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Équations du quatrième degré à coefficients réels

Robert est un participant assidu du congrès de mathématiques appliquées de Tournedos-sur-Côte-d’Amour. Citoyen d’un canton voisin et professeur à la retraite, il adore chaque année venir flâner dans les couloirs du Zénith de Tournedos (et oui, encore un Zénith !), assister aux conférences variées et diverses se tenant dans le grand auditorium et ses annexes et y retrouver ses collègues comme on retrouve d’un été sur l’autre ses voisins de camping. Mais il aime probablement par-dessus tout se joindre à la foule qui se presse le dernier jour devant le grand buffet offert par la mairie pour célébrer les lauréats du prix Euler de Tournedos. Le champagne a pour habitude de couler à flots au cours de cette soirée mais Robert consomme toujours avec modération le pétillant breuvage, se limitant à une seule coupe, et ce sans faillir depuis plus de dix années. Il pousse même la coquetterie jusqu’à calculer exactement le volume de boisson pétillante qu’on lui offre. Pour ce faire, il se munit chaque année d’un double décimètre et d’une olive verte dont il a pris soin de mesurer le volume à l’aide d’une éprouvette graduée.

Une fois que l’un des nombreux serveurs, par ailleurs tous tirés à quatre épingles, lui a remis une coupe de champagne, il y glisse discrètement son olive et mesure la variation de hauteur qui en résulte. Cette année, son olive avait un volume de 5 cm3 et le champagne s’est vu rehaussé de 4 mm. Sachant que le profil des coupes suit l’équation y = |x| (une information confidentielle obtenue du fabricant après moult négociations), il en a déduit immédiatement que le volume qu’il avait consommé était de 0,5 cm3. Comment a-t-il procédé ?

Afin de percer son secret, commençons par fixer quelques notations. Ainsi, sur le schéma ci-contre, on se définit un axe vertical (Ox) ayant pour origine le fond de la coupe et on considère les hauteurs h1 et h2 avant et après l’introduction de l’olive et on note ΔV la variation de volume correspondante. On voit immédiatement que, pour une hauteur x, d’après l’équation du profil, r = x2. Il vient alors :

Puis en considérant que h2 = h1 + 0,4, il s’ensuit, grâce à notre ami Pascal :

Une expression dont nos amis informaticiens apprécieront les coefficients :-). Puisque ΔV = 5, on obtient au final :

Nous sommes donc amenés à résoudre une équation du quatrième degré ax4 + bx3 + cx2 + dx + e = 0. La méthode de Ferrari nous apprend qu’il faut commencer par poser le changement de variable :

Ceci nous ramène en effet à l’équation :

Un terme en moins, cela fait toujours plaisir :-). Les coefficients p, q et r valent :

Arrivé à cette étape, on cherche les solutions de l’équation intermédiaire (nous en verrons la raison quelques lignes plus bas) :

Il s’agit d’une équation du troisième degré et la méthode de Cardan nous permet d’en trouver au moins une solution réelle que l’on note y0. On a alors l’équivalence :

avec :

 

On reconnaît une identité remarquable du troisième type dans (z2 + y02)2 – (az0 + b0)2. L’équation précédente devient donc :

Il nous suffit donc de résoudre les deux équations du second degré :

pour obtenir les quatre solutions de l’équation en z puis d’utiliser :

pour trouver les solutions de l’équation initiale.

Si nous appliquons la méthode de Ferrari à notre équation, à savoir :

nous obtenons :

Puis :

Et donc l’équation simplifiée du quatrième degré est :

On peut remarquer ici l’apparition d’une équation bicarrée qu’il serait possible de résoudre par la méthode idoine. Mais nous fermons les yeux sur cette constatation afin d’illustrer jusqu’à son terme la méthode de Ferrari :-)

L’équation du troisième degré est :

La méthode de Cardan nous donne comme seule solution réelle :

Ainsi :

et on peut choisir :

Et nous avons donc à résoudre les deux équations du second degré :

Nous ne sommes intéressés que par les solutions réelles :

Donc, au final, en revenant à x :

Seule la seconde solution est réaliste (la première étant négative). Elle correspond à la hauteur du champagne avant que Robert n’y plonge son olive. Il ne nous reste plus qu’à calculer le volume ingurgité par Robert :

Nous retrouvons bien la valeur calculée par ce sacré Robert dont on peut au passage louer la sobriété !

Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9thode_de_Ferrari

Cet article est à consommer avec modération :-)

Équations du troisième degré à coefficients réels

Des entomologistes ont découvert récemment une nouvelle espèce de fourmis dans la jungle tanzanienne. Elles ont pour particularité de construire dans un coin de leur fourmilière des réservoirs sphériques qu’elles remplissent de lait de coco. Intrigués, les chercheurs décidèrent d’installer une fourmilière dans leur labo afin de mieux étudier le travail de la colonie. Ils commencèrent par mesurer les fameux réservoirs pour s’apercevoir que ceux-ci étaient non seulement d’une sphéricité parfaite mais avaient également tous un diamètre à l’identique, de 20 cm, soit plusieurs fois la taille moyenne des insectes.

Un calcul rapide leur apprit que le volume de lait pouvant être stocké dans un tel réservoir était de :

Des observations attentives leur montrèrent qu’une fois remplie, la réserve de lait était fort logiquement ponctionnée régulièrement par les ouvrières pour les besoins de leurs consœurs, au moyen d’un micro-orifice proche du fond, qu’elles rebouchaient consciencieusement avec leurs mandibules après usage. Mais quelle ne fut pas la surprise des scientifiques de voir au bout de quelques jours un groupe de fourmis s’accrocher les unes aux autres pour plonger au fond de chaque réservoir (ils en avaient installé des copies factices et transparentes au sein de la colonie pour faciliter l’étude – les fourmis n’y avaient vu que du feu). En s’agrippant à deux congénères, chacune participait à la construction une échelle d’une dizaine d’individus, permettant au dernier élément d’atteindre avec ses antennes la surface du liquide. Le phénomène se reproduisait tous les trois à quatre jours, la petite escouade se séparant pour vaquer à d’autres occupations dès la dernière des sphères inspectée. Mais, au bout d’environ deux semaines, le contrôle de l’une des sphères se termina par le remplissage express de celle-ci par le groupe des inspectrices avant le passage à la suivante. Estomaqués, les chercheurs concentrèrent toute leur attention sur ce comportement hors-norme. Après moult observations et expérimentations, ils en arrivèrent à la conclusion que le réflexe de remplissage se produisait toujours lorsque le contenu de la sphère atteignait 200 cm3, avec une marge d’erreur de 0,1 mm3.

Nos entomologistes, fort érudits en mathématiques par ailleurs, modélisèrent donc la sphère-réservoir par le schéma ci-contre, la dotant d’un axe vertical ayant pour origine son pôle Sud. Ils notèrent h la hauteur du lait restant, R le rayon de la sphère et r le rayon du disque formé par la surface du liquide. Le théorème de Pythagore leur donna immédiatement la relation R2 = r2 + (R-h)2 soit encore r2 = R2 – (R-h)2. En considérant ensuite le volume infinitésimal dv = πr2dx, ils purent calculer le volume de lait de coco en fonction de sa hauteur h :

Pour déterminer la hauteur correspondant à un volume restant de 200 cm3, les fourmis tanzaniennes sont donc amenées à résoudre l’équation :

ou encore :

Autrement dit, elles se retrouvent confrontées à une équation du troisième degré, à savoir ax3 + bx2 + cx + d = 0 avec :

Comment s’y prennent-elles pour la résoudre ? Elles se basent probablement sur la méthode de Tartaglia-Cardan. Que nous dit-elle ? Partant de ax3 + bx2 + cx + d = 0, elle requiert d’abord de poser :

On peut vérifier aisément que l’équation initiale devient alors z3 + pz + q = 0.

La méthode de Tartaglia-Cardan nous enseigne qu’il faut ensuite calculer le discriminant Δ = -(4p3 + 27q2) et distinguer trois cas :

1er cas : Δ < 0

L’équation admet une solution réelle notée z0 et deux solutions imaginaires z1 et z2 :

2ème cas : Δ = 0

L’équation admet deux solutions réelles :

3ème cas : Δ > 0

L’équation admet trois solutions réelles :

Si nous appliquons maintenant cette méthode à l’équation de nos amies les fourmis, nous obtenons ax3 + bx2 + cx + d = 0 avec :

Donc :

Soit :

Le discriminant vaut :

Il est donc strictement positif. Nous nous retrouvons dans le cas des trois solutions réelles :

Il ne reste plus qu’à remonter jusqu’à l’expression de x :

La calculatrice nous donne : x0 29,78 cm, x1 -2,24 cm et x2 2,64 cm.

Seule la dernière solution correspond à un cas réel. Les entomologistes arrivèrent donc à la conclusion que les fourmis s’empressent de remplir le réservoir lorsque son contenu atteint la limite des 2,64 cm. Pour rendre hommage à leur ingéniosité, ils baptisèrent cette nouvelle espèce du nom de Formicidae Tartaglia-Cardan !

Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9thode_de_Cardan (pour la méthode, pas pour les fourmis :-))